Projet de la Nation Ulkatcho sur les effets des changements climatiques sur les espèces traditionnelles

Contexte

Les Ulkatchot’en ont longtemps vécu au carrefour de la forêt pluviale de Great Bear et du plateau Chilcotin, à la lisière ouest de ce qu’on appelle aujourd’hui la Colombie-Britannique. Le mot « carrefour » est utilisé intentionnellement, comme il ne s’agissait pas seulement de la jonction entre deux biomes très différents, mais également d’un endroit où, dans l’ombre du pic Anahim, un vaste réseau de sentiers pédestres convergeait pour relier les tribus côtières et celles de l’intérieur des terres par le biais du commerce. Ces sentiers sont connus localement sous le nom de « Grease Trails » (sentiers de la graisse). Ils sont le cœur du territoire de la Première Nation d’Ulkatcho, et tout comme la graisse d’eulakane, la peau de daim et l’obsidienne déplacées sur ces sentiers, les Ulkatchot’en ont fait de la chasse et de la cueillette sur ces terres, où ils ont également amassé un bagage considérable de connaissances traditionnelles. Celles-ci les ont aidés à survivre et à prospérer pendant des millénaires sur ce haut plateau. Aujourd’hui, sous la menace des changements climatiques, le savoir traditionnel – combiné à la science occidentale – est à nouveau utilisé pour tracer la voie à suivre pour notre communauté.

En raison des changements climatiques, les paysages du territoire de la Première Nation d’Ulkatcho (en anglais seulement) connaissent déjà beaucoup de changements environnementaux. Ceux-ci ont mené à une augmentation des feux de forêt et des infestations par le dendroctone du pin ponderosa, ce qui a profondément altéré l’écosystème, la disponibilité et la distribution des ressources ainsi que les systèmes sociaux, culturels et économiques qui avaient prospéré sur ces terres pendant des générations. En 2018-2019, on a créé le projet de la Nation Ulkatcho sur les effets des changements climatiques sur les espèces traditionnelles pour mieux comprendre les changements à l’échelle du paysage et pour éclairer les décisions concernant les stratégies d’adaptation et les mesures d’atténuation environnementales futures envisagées par la Première Nation d’Ulkatcho.

Objectifs du projet

  1. Renforcer les capacités de la Première Nation d’Ulkatcho par l’intermédiaire de l’éducation et de la formation, de façon à ce que la Nation puisse surveiller elle-même les changements environnementaux causés par les changements climatiques.
  2. Combiner le savoir traditionnel et la science occidentale pour orienter la prise de décisions dans l’avenir.
  3. Surveiller les effets des changements climatiques sur les espèces de plantes d’importance traditionnelle que la Première Nation d’Ulkatcho consomme et utilise à des fins médicinales.

Participation de la communauté

Le renforcement des capacités de la Nation est le moteur du projet et l’un de ses objectifs principaux depuis sa création en 2018. Des efforts ont été déployés pour faire participer les membres de la communauté, en particulier les jeunes, à tous les aspects du projet. L’accent a été mis sur le perfectionnement des compétences, comme la formation sur les concepts d’échantillonnage, sur l’identification des plantes, sur la collecte de données scientifiques et sur l’utilisation de matériel de surveillance scientifique. Cette démarche a permis d’augmenter les capacités de la Nation de manière constante, et en 2022, elle a permis au Service des ressources naturelles de la Première Nation d’Ulkatcho de reprendre les volets de surveillance et d’établissement des rapports du projet.

Comment mesurons-nous les changements?

L’étude est un projet de recherche pluriannuel à long terme établi en collaboration avec Keefer Ecological Services (en anglais seulement). Maintenant géré par le Service des ressources naturelles de la Première Nation d’Ulkatcho, l’étude est axée sur les effets qu’ont les changements climatiques sur la nourriture et les plantes médicinales traditionnelles importantes pour la Nation. Les membres et les aînés de la communauté ont été consultés lors de la sélection de quatre plantes vivrières et médicinales fondamentales, utilisées comme sujets d’étude dans le cadre du projet. Les voici : le pin à écorce blanche (P. albicaulis), le thé du Labrador (R. groenlandicum), la shépherdie du Canada (S. canadensis) et le sapin subalpin (A. lasiocarpa).

Les membres de la communauté ont joué un rôle essentiel dans le choix et l’établissement de 20 sites d’échantillonnage (cinq pour chacune des espèces), qui se situent tous à une heure de route du lac Anahim, en Colombie-Britannique. Pour les deux espèces d’arbustes (le thé du Labrador et la shépherdie du Canada), on a installé dix macroparcelles de 20 m x 20 m servant à déterminer l’élévation de l’emplacement, la pente, les propriétés du sol et la classification biogéoclimatique de l’écosystème (Biogeoclimatic Ecosystem Classification [BEC], en anglais seulement). Dans chaque macroparcelle, quatre sous-parcelles de 5 m x 5 m ont été sélectionnées au hasard (figure 1) et servent à mesurer divers paramètres, y compris l’abondance, la vigueur, les changements phénologiques, la couverture et la santé de l’espèce. Pour les deux espèces d’arbres (le pin à écorce blanche et le sapin subalpin), on a établi des transects en bande (en anglais seulement) de 50 m x 10 m et on recueille annuellement des données sur les mesures de santé et la distribution (fondées sur le protocole de surveillance de la rouille vésiculeuse du pin blanc de la Whitebark Pine Ecosystem Foundation, en anglais seulement). En plus de recueillir des données sur ces quatre espèces, on recueille également des informations environnementales (température et humidité) sur tous les sites à l’aide de iButtons et du logiciel Thermodata.

À ce jour, nous avons terminé quatre années de collecte de données de référence sur cinq. Toutes les données recueillies sont gérées dans Excel. Un rapport résumant les constatations du projet est publié chaque année à l’intention des chefs communautaires. Après cette période initiale de collecte de données de référence, nous poursuivrons l’échantillonnage à intervalles de dix ans. Nous espérons que des lacunes en matière de données seront comblées grâce à ces efforts, ce qui permettra ainsi d’obtenir des modèles climatiques améliorés. Ces modèles pourront ensuite être utilisés pour prendre des décisions éclairées concernant une multitude de sujets, du développement et de la conservation des ressources naturelles à la planification communautaire en passant par la sécurité alimentaire.

Schéma de la disposition d’une macroparcelle et des sous-parcelles

Figure 1 : Schéma de la disposition d’une macroparcelle et des sous-parcelles. Toutes les parcelles sont orientées vers les points cardinaux. Les sous-parcelles sont sélectionnées au hasard de la manière suivante : une personne se tient au centre de la macroparcelle et lance un crayon par-dessus son épaule (source : Rapport sur le projet de la Nation Ulkatcho sur les effets des changements climatiques sur les espèces traditionnelles, 2022, p. 22).

Liste du matériel

La Première Nation d’Ulkatcho a investi dans le matériel suivant pour mener à bien ses activités de surveillance :

  • Appareil GPS (UTM, NAD83)
  • Ruban à mesurer rétractable pour transects (50 m)
  • iButtons (en anglais seulement)
  • Logiciel Thermodata (en anglais seulement)
  • Ruban à mesurer en métal
  • Jumelles
  • Piquets de délimitation (barres d’armature d’au moins 50 cm)
  • Marteau
  • Ruban à mesurer au diamètre à hauteur de poitrine
  • Boussole (ajustée pour obtenir la bonne déclinaison)
  • iPad (utile pour prendre des photos, consulter des cartes et se rendre jusqu’aux parcelles)
  • Planchette à pince
  • Fiches de données (en anglais seulement)
  • Ruban de signalisation
  • Marqueurs permanents et crayons
  • Guides de poche pour identifier les plantes

Défis et leçons apprises

L’abondance des feux de forêt sur le territoire est l’une des difficultés principales rencontrées dans le cadre du projet. Idéalement, les sites d’échantillonnage demeureraient en place durant toute la durée de l’étude, soit plusieurs décennies pour ce projet. Malheureusement, les sites permanents sont plus susceptibles d’être détruits en raison des saisons de feux de plus en plus intenses, ce qui rend la tâche difficile. En 2021, le feu Hotnarko a détruit six sites à lui tout seul. Ces sites ont dû être déplacés et rétablis pour que la surveillance puisse continuer. Cet événement illustre l’importance de disposer d’un protocole détaillé de relocalisation des sites d’échantillonnage, étant donné que le déplacement de sites peut avoir des répercussions sur la qualité des données et qu’il doit être fait d’une manière normalisée. Il souligne également l’importance de définir une période longue et stable pour la collecte des données de référence, qui sont la base de l’étude. Les perturbations, les relocalisations et la variabilité à court terme des conditions météorologiques sont des facteurs qui peuvent tous compliquer l’analyse des données. En fixant une période de référence plus longue, on peut avoir une meilleure idée des conditions actuelles, qui peuvent ensuite être comparées aux conditions futures. Le travail dans ces paysages dynamiques peut présenter certains obstacles, mais avec une planification et un soutien adéquats, on peut obtenir des résultats favorables.

Ressources

Carte du territoire de la Première Nation d’Ulkatcho (en anglais seulement)

Ulkatcho Food and Medicine Plants, Hebda et al, 1996 (Remarque : Il s’agit d’un gros document qui peut prendre plusieurs minutes à charger, en anglais seulement)